Les hivers n’étaient pas très rigoureux dans la Province des Guerrouanes du Sud.

Dehors il pleuvait d’une pluie drue par averses ou orages avec tonnerre et éclairs, de gros nuages gris ou noirs passaient au dessus de nos têtes, au dessus de la maison. Nous n’étions pas rassurés du tout.

Après ces orages l’air se chargeait d’une odeur agréable de terre mouillée qui nous enveloppait. Dans le jardin les feuilles des orangers et les oranges dégoulinaient d’eau, toutes ces gouttes dans lesquelles se reflétait le soleil d’après orage ressemblaient à des colliers de perles et de diamants. Il me semble, du moins c’est le souvenir que j’en ai, que nous choisissions ces moments là pour aller cueillir les oranges et les mandarines en nous faisant arroser de la pluie restée sur les branches et les feuilles.

Quelques fois, certains hivers il arrivait même qu’il neige un peu. Le plus souvent cela ne durait pas. Le ciel devenait d’un gris laiteux, cotonneux, quelques flocons voltigeaient d’abord puis la neige tombait par rafales ou bourrasques brèves.

La cour de la ferme, les champs et les chemins se couvraient d’une fine pellicule blanche qui ne tenait pas. Nous étions ébahis et heureux, tout excités de voir tomber la neige en espérant qu’il en tomberait assez pour faire un bonhomme de neige mais hélas, le plus souvent nous ne pouvions que laisser la trace de nos pas. Parfois il neigeait la nuit et au matin nous avions la surprise de voir un manteau blanc recouvrant tout de quelques malheureux centimètres. Cette neige était un peu gênante sur la route le lundi matin lorsqu’il fallait descendre en voiture à l’école. Nous n’y étions pas habitués voilà tout ! Nous n’avions pas de « pneus neige » et les routes n’étaient ni sablées ni salées.

Nous profitions de ces journées d’hiver où le travail de la ferme était au ralenti ainsi que des vacances scolaires d’hiver pour nous tenir au chaud autour ou devant le poêle sur lequel étaient posées des pelures d’oranges qui, en chauffant doucement dégageaient une odeur suave embaumant toute la salle à manger puis la maison en créant une ambiance chaleureuse.

Grand-papa avait quelques habitudes. Très souvent il s’asseyait à califourchon sur sa chaise de manière à pouvoir reposer ses bras sur le dossier. De la même manière que, lorsqu’il faisait sa sieste, il se jetait en travers de son lit, sur le ventre, les bras le long de son corps les mains ouvertes tournées vers le plafond.

Il profitait de ces moments de liberté, de calme et de tranquillité pour jouer avec nous, aux dames, aux cartes, aux petits chevaux. Pour tout dire il avait beaucoup de patience à nous apprendre à jouer à la belotte. Nous n’étions pas attentifs à compter les cartes qui tombaient, celles qui nous restaient en main et il devait très souvent nous rappeler à l’ordre !

                                                                                    (à Suivre)

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